Charles-Henry, une vie vouée à la médecine et à l’humanitaire

« A l’âge de quatre ans déjà, je savais que je serai médecin »

Rarement, le terme de vocation n’aura eu autant de sens. Charles-Henry Rochat a la médecine dans le sang. Ou dans les gènes. Né en 1953, à Genève, il grandit dans la maison familiale de Cologny, entouré de ses grands-parents, ses parents, son frère et son parrain. Sur cette tribu soudée règne Albert Heimo, le patriarche, le grand-père, médecin de son état qui initie très jeune Charles-Henry aux secrets de l’art. « A l’âge de quatre ans déjà, je savais que je serai médecin, raconte non sans émotion celui qui entretemps est devenu un urologue renommé au-delà des frontières suisses. Je passais le plus clair de mon temps avec mon grand-père, car nous ne roulions pas sur l’or et mes parents travaillaient beaucoup. Il me donnait des cours de médecine et nous faisions des consultations fictives. » Une initiation qu’il considère aujourd’hui comme sa chance.

Albert Heimo conserve dans un grenier caché dont la porte recouverte de tapisserie est invisible sur la surface du mur, toutes sortes d’instruments, d’appareils, de fioles et de documents. Et au sous-sol même une ancienne installation de radiologie…. Un univers mystérieux et fascinant dont on ne peut s’empêcher de penser qu’il a été à l’origine de son intérêt pour la chirurgie robot-assistée dont Charles-Henry est l’un des pionniers en Suisse.

Bien plus tard, lors d’un congrès de médecine en 2000, il découvre un peu par hasard, dans une tente spécialement aménagée, le premier prototype du « da Vinci », un système de chirurgie assistée par ordinateur avec dissociation entre le chirurgien et le patient. « Le lendemain j’ai pris rendez-vous pour pouvoir m’asseoir devant ce robot, seul, et j’ai senti que ce serait l’avenir de la chirurgie », se souvient-il. Deux ans plus tard, il monte le projet d’acquisition du robot pour la clinique Générale Beaulieu.  « J’étais un des premiers de ma génération à avoir anticipé le succès et l’efficacité de ces appareils qui permettent une approche à la fois précise et très peu invasive qui bénéficie surtout au patient. Une révolution technique extraordinaire ! » Mais ce n’est pas simple d’être un pionnier. Au début il doit faire face à beaucoup de résistance. « Mes collègues n’y croyaient pas du tout ». Néanmoins, le temps lui donne raison. Aujourd’hui, son savoir-faire unique dans la robotique en général et dans la prostatectomie robot-assistée, est largement reconnue.

À côté de sa carrière d’urologue et de ses nombreuses publications médicales, Charles-Henry s’engage, dès la fin de ses études de médecine à l’Université de Genève en 1983, sur le terrain humanitaire et participe à de nombreuses missions de chirurgie de guerre. En 1993, cherchant un engagement plus durable, il développe au Bénin, un programme de traitement, de formation et prévention dans le domaine des fistules obstétricales. Aujourd’hui encore, il œuvre comme consultant en charge de cette chirurgie très spéciale auprès de l’hôpital de Tanguiéta au nord du pays, ainsi qu’à Madagascar. « La médecine m’a mené vers l’humanité », dit-il sobrement. Dans les hôpitaux de guerre, il y a peu de moyens avec un gros manque de matériel et les médecins doivent faire preuve d’habilité et d’ingéniosité pour répondre à des besoins vitaux, à des mutilations sévères. « La réponse que l’on peut donner à ces patients est une amélioration de leur qualité de vie, de leur dignité. » Un cheminement vers l’autre qui plonge également ses racines dans l’enfance, lorsque ses grands-parents accueillaient des orphelins de guerre.

Récemment, l’Université de Genève l’a désigné « Alumnus 2020 ». Cette reconnaissance de la part de l’institution qui l’a formé, l’a particulièrement touché. Mais elle ne doit rien au hasard. « La médecine, c’est toute ma vie, c’est le monde que j’aime. » Il partage son existence avec sa femme Isabel, ancienne conseillère d’État en charge de la police et dont il admire le courage. « Nous partageons des valeurs fortes que nous avons transmises à nos trois enfants, l’amour des autres, le courage et l’intégrité. »