Nathanaël Rochat, l’humour pour entrer dans la tête des gens

Son attitude nonchalante et son regard affûté sur le monde font rire les Romands. Il est irrésistible. Avec une grande économie de moyens, peu de mots, peu d’effets et une voix tranquille mâtinée d’accent de la Vallée de Joux où il a grandi, Nathanaël sait comme personne tordre les paradoxes et les incohérences pour les mettre à distance. Ces qualités en font un phénomène unique et reconnaissable entre mille sur la scène de l’humour suisse. Dans ses chroniques radiophoniques à la RTS aussi bien que sur scène, rien ni personne n’échappe à l’humoriste, pas même nos conseillers fédéraux. On se souvient de sa chronique hilarante sur les bobos. Ou sur les primes d’assurances, un sujet qui ne fait rire personne dans ce pays, sauf quand c’est lui qui en parle.

Émigré à Lausanne à l’âge de 17 ans pour suivre des études de commerce, il conserve de son enfance aux Bioux une affection pour la simplicité. « En été, nous allions nous baigner et skier en hiver. Nous ne partions jamais en vacances, raconte-t-il, mais ce n’était pas grave, c’était notre vie et on l’aimait bien. » Sa nonchalance vient-elle de là ? « Certains disent que je suis lent. Mais à la Vallée, je ne suis pas le plus lent, je peux vous dire. Mon père, on lui posait une question le mardi, il répondait le jeudi. »

Son chemin vers l’humour fait une courte étape dans l’écriture, car il aime bien l’idée d’influencer, de « polluer » les idées des autres. Il se lance dans un roman qui est resté au fond de ses tiroirs. « L’idée de l’envoyer à 45 éditeurs dont la plupart n’allaient pas me répondre, m’a paru fastidieux et absurde. À force d’échecs et de médiocrité, j’ai dévié. » Et opté pour l’humour qui, lui, est immédiat. « Ça marche… ou pas », commente-t-il sobrement. Le concernant, ça marche.

Lors d’un séjour en Angleterre, où il rencontre la mère de ses deux enfants, il fait l’expérience du flegme si caractéristique de l’humour britannique et qui fait écho en lui. « Les Anglais sont prompts à l’autodérision, avec un côté tragicomique. Ils rient de leurs propres imperfections. » Ainsi Nathanaël ne craint-il pas de mettre en scène ses fiascos, comme dans le sketch Une carrière en faux plat montant : « Mes copains, quand je leur parle de mon succès, ils s’en fichent, par contre ils se souviennent de mes échecs ! »

D’où vient qu’il ne s’est jamais découragé ? « C’est un grand mystère », répond-il sobrement, avant de reprendre après un silence : « C’est la question qui m’émeut le plus. Ne pas comprendre ce qui fait que j’ai poursuivi. Mon entêtement peut-être ? Le monde est rempli d’exemples de gens qui se sont accrochés malgré l’échec, et qui ont fini par réussir. » Lui qui a toujours voulu écrire, il a « écrasé une larme » quand il a signé son premier billet dans Le Temps.

Aujourd’hui à force de persévérance, et de travail, car Nathanaël travaille beaucoup, le succès est là. Ses spectacles affichent complets et il entretient d’excellentes relations avec ses collègues humoristes, qu’il refuse de considérer comme des concurrents, mais plutôt comme des partenaires. En particulier avec son ami Thomas Wiesel : « On ne se voit pas souvent, mais on s’appelle et on se donne des coups de main, c’est un vrai bonheur. »

Le chanteur préféré de Nathanaël, c’est Bob Dylan, et non sans raison : « Il écrit des chansons que personne ne pourrait faire, mais que tout le monde comprend. C’est son génie. » Une définition qui lui correspond bien à lui aussi.