Maya Rochat comme une source vive de créativité

Tout jaillit et ruisselle, et tout est fluide chez Maya Rochat. Les idées, les images, les couleurs, les mots, et les éclats dans ses yeux, comme une créativité qui jamais ne tarit. Dans son atelier lausannois, un espace hybride entre atelier et maison où coule à travers les baies vitrées une lumière à la fois vive et tranquille, avec de hauts plafonds, un canapé, un rétroprojecteur, un écran géant et des tableaux partout, d’immenses toiles abstraites aux couleurs éclatantes, qui retiennent le regard jusqu’à l’esprit, tant il y a à y voir, découvrir et questionner, Maya est comme une source vive, un feu follet qui va et vient avec élégance et énergie. « Je suis une passionnée, j’aime l’idée de vivre immergée dans l’art. »

Née en 1985, Maya grandit dans un monde fantastique, au sens premier du terme, c’est-à-dire là où se forgent les chimères. « Ma sœur Pernelle et moi avons reçu une éducation atypique. » Quand elle a 2 ans, avec ses parents Thierry et Cornelia, elle parcourt la route de Saint-Jacques-de-Compostelle en roulotte tirée par un cheval. Puis, la famille s’installe dans une petite maison isolée à Bavois. « Nous jouions tout le temps dans la forêt, où je me suis créée un monde imaginaire.  » Elle le dit sans ambages, sans cette enfance hors des sentiers battus, elle ne serait pas l’artiste qu’elle est devenue : « Mon enfance m’a offert un contact profond avec la nature et un angle d’approche décalé ».

La peinture surgit presqu’instantanément dans son existence. Elle se revoit à quatre ou cinq ans dans le salon familial, avec son carnet et ses crayons de couleur, réaliser des robes de princesses et des chevaux, tout en commentant ses dessins à haute voix. « Dans ma tête, c’est devenu clair. Je serai artiste. » L’office d’orientation scolaire, qui n’en est pas à une absurdité près, l’oriente vers le secrétariat. Heureusement, la mère de Maya veille… et se bat pour qu’elle puisse réaliser son rêve : entrer à l’ECAL. Pierre Keller, qui en est alors le directeur voit en elle un œil photographique. « Photographier, confie Maya Rochat, c’est peindre avec la lumière. » Alors, pendant dix ans, elle saisit le monde avec son appareil, en rêvant toujours de peinture. « J’aimais la magie et la beauté de l’image. Mais la captation de la souffrance, la saleté, la pollution génèrent un regard sur le monde qui est triste, glauque. Je me suis donc demandé comment conserver ma force d’expression, mais avec un art qui soit beau, positif et fasse du bien. »

Tout en photographiant, elle réfléchit à un processus hybride (comme son atelier-maison !) à la croisée des chemins entre photographie et peinture : « Pour moi, la question était, comment recréer le moment magique où l’image émerge de son bain d’acide ? J’ai pensé au rétroprojecteur où l’on voit l’œuvre se créer. » Comme dans la performance Living in a painting présentée à la Tate Modern à Londres, où on la voit réaliser une œuvre de bout en bout, accompagnée par le musicien Buvette.

Maya Rochat se sert d’une combinaison de techniques à l’intersection entre la peinture, la photographie, la vidéo, installation et la performance. Elle peint en direct sur le film transparent du rétroprojecteur qui montre l’œuvre en évolution. Ensuite, elle scanne le résultat et imprime l’image qu’elle découpe et dépose sur une toile argentée magnifiant la lumière et les reflets. « J’aime mes techniques bricolées, elles nourrissent ma créativité et ma curiosité. » Elle a aussi réalisé plusieurs livres dont « Living In A Painting » et « Crystal Clear », et un sixième est en préparation. « la création d’un livre d’artiste accompagne toujours mon travail ! »

Le plus ébouriffant quand on observe ses tableaux, c’est qu’ils semblent vivants, comme si ces œuvres pourtant intrinsèquement abstraites, ne cessaient jamais de se créer ou de se recréer sous nos yeux, avec des paysages, des chimères, des visages qui apparaissent et disparaissent, comme si le spectateur devenait cocréateur rien qu’en regardant la toile. « Je me sens un médium d’une intuition que je reçois, traduis et restitue. Cette impression de ne pas créer tout toute seule me donne de la légèreté. Je vais là où il y a du plaisir, de la beauté, des rêves. Et je laisse beaucoup d’espace à celui qui regarde pour qu’il puisse se livrer à sa propre interprétation. »

Mais Maya ne se contente pas d’exposer dans les plus grandes salles du monde à Paris, Londres ou Singapour. Elle gère aussi avec sa sœur et sa mère, une entreprise de vêtements éthiques et bio, et une boutique du yoga. « Nous sommes très proches. Nous vivons, grandissons et travaillons ensemble. » Car, la vie, c’est aussi de partager avec ceux qu’on aime.