Loïc Rochat

L’homme qui grave le destin de la famille dans le marbre de l’histoire

Loïc Rochat est habité par une passion dévorante : il se consacre depuis plus de 25 ans à établir la généalogie de la famille Rochat depuis sa fondation en 1480 par Vinet Rochat, immigré de Franche-Comté à la Vallée de Joux en compagnie de ses trois fils et d’une vingtaine d’autres familles bourguignonnes, jusqu’à nos jours. Une véritable dynastie qui compte désormais plus de 20 000 membres dans le monde. « Ce projet est une folie », commente sobrement le généalogiste. Mais une folie réalisable, à condition de fixer des limites claires.

Cette passion pour l’histoire des familles, de LA famille, apparaît alors qu’il est très jeune et lui vient de la branche maternelle aussi bien que paternelle. Son enfance transhume entre Morges où se sont établis ses parents et la Vallée où il passe ses week-ends, vacances et Noël. « C’étaient de bons moments », se souvient-il. Sa mère est issue des Meylan, une famille ancrée au Brassus depuis le XVIIe siècle et qui a conservé pas moins de cinq mètres d’archives ! « D’ailleurs, nous possédons toujours la forêt, les pâturages et la maison de ces ancêtres, le tout solidement documenté. Quand je pense que mon arrière-arrière-arrière-grand-père Meylan a ouvert la porte d’entrée avant moi, je suis ému ».

Du côté des Rochat, en revanche, la transmission s’établit par voie orale. Loïc Rochat écoute de toutes ses oreilles sa grand-mère, avec qui il entretient une relation fusionnelle, raconter les histoires familiales. « Elle connaissait chaque membre de la famille. Mon grand-père avait huit frères, alors cela fait beaucoup de monde, explique-t-il. Quand elle est décédée, il n’y avait plus personne pour entretenir cette mémoire. Donc, je me suis dit qu’il fallait que je reprenne le flambeau pour combler cette absence ». Lui vient alors l’idée d’entreprendre la généalogie des Rochat de sa propre branche, celle de Mont-la-Ville. « J’avais seize ans, je me suis rendu aux Archives cantonales vaudoises où j’ai déniché un grand nombre de documents ».

Mais Loïc Rochat n’est pas un généalogiste comme les autres, ces « chasseurs-cueilleurs » plongés dans des archives à longueur de journée pour en retirer des milliers de données qu’ils compilent. Il est historien. Suite à ses recherches, à l’âge de vingt ans, il publie son premier ouvrage Généalogie des Rochat de Mont-la-Ville 1599-1999, qui lui vaut le Prix du Cercle vaudois de généalogie.

Ce succès l’incite à s’inscrire en section d’Histoire à l’Université de Lausanne et son cursus achevé, il hésite entre un doctorat ou le métier d’archiviste. Mais le destin en décide autrement. Le jour même de sa soutenance de mémoire, alors qu’il range les chaises, la société de Securitas SA, pour laquelle il a travaillé durant ses études pour se faire un peu d’argent, lui téléphone afin de lui offrir un poste à la Direction régionale. Loïc accepte : « Je me suis dit : là il y a du panache, du défi ! Et j’ai eu raison car c’est tout un monde captivant qui s’est ouvert à moi. » Le virus de la généalogie ne le quitte pas pour autant. Une année plus tard, en 2012, il crée la Revue vaudoise de généalogie et d’histoire des familles qui publie chaque année un ouvrage consacré aux dynasties vaudoises, des banquiers aux architectes en passant par les hôteliers. « J’en suis très fier, car la revue a vraiment apporté quelque chose à l’histoire sociale du Canton de Vaud. »

Avec le temps, l’idée d’élargir ses recherches à l’ensemble de la famille Rochat, pour en tirer la monographie la plus complète possible le titille tant et si bien qu’il s’y met. C’est ainsi qu’après deux décennies de récolte d’informations, grâce à son impulsion et à son infatigable labeur, le soir, le week-end et aux heures perdues, l’ouvrage collectif – de 600 pages quand même – Les Rochat, de la famille comtoise à la tribu vaudoise paraîtra en novembre 2022. Une véritable « plongée dans sept siècles d’Histoire en guise de miroir de l’évolution de la société vaudoise ». Mais il tient à le préciser : « Avec ce projet, ce que j’ai vraiment voulu faire, c’est de l’Histoire. Je voulais éviter le panégyrique. Les Rochat sont des gens comme les autres, avec leurs succès, mais aussi leurs échecs ». C’est le cœur de l’historien, profondément attaché à la vérité qui parle.