Brigitte Rochat

En quête de vérité historique

Énergique, joyeuse, passionnée : tels sont les qualificatifs qui viennent à l’esprit quand on parle avec Brigitte Rochat. Les mots et les souvenirs affluent facilement et l’esprit est agile. Depuis plus de 30 ans, elle enseigne l’histoire, au gymnase notamment, une passion chevillée au corps et vers laquelle les péripéties de sa vie l’ont naturellement menée.

Fille du chef d’orchestre Michel Rochat, son enfance est marquée par le métier de son père, et par l’ouverture et la ténacité de sa mère. Chez les Rochat, à Vevey où ils résident, tout est musique. « Depuis toute petite, je faisais mes devoirs en musique, raconte-t-elle. Cela m’a permis de développer une mémoire auditive, mais aussi une autre manière de travailler. Je peux m’isoler, s’il y a du bruit. J’arrive à me vider la tête et en même temps, la musique me donne l’envie d’avancer. » Être la fille d’un musicien reconnu qui se produit dans le monde entier, ouvre l’esprit. « La porte de la maison était ouverte à de nombreux artistes et surtout, nous avions souvent l’occasion de voyager et de découvrir de nouveaux pays et de nouvelles cultures. » Une vie de nomade qui l’amène très jeune déjà à s’intéresser à l’histoire des contrées visitées.

D’autant que le grand-père paternel, douanier à La Brévine, sur la frontière suisse, pendant la Seconde Guerre mondiale est féru d’histoire : « Il nous racontait les événements de cette époque, parlait de ses souvenirs et c’était fascinant », se souvient-elle. Il aime le président Kennedy et la Reine Elisabeth et commente les journaux pour ses petites-filles. Et, face à la télévision des grands-parents, elle qui n’a pas de télévision à la maison, suit les événements marquants comme l’enterrement du président américain en 1963, alors qu’elle n’a que trois ans. « Mais j’en garde le souvenir précis, notamment le salut du petit John-John. » À cela s’ajoute que, plus tard, son enseignant d’histoire au gymnase, André Benz, sait raconter et faire vivre cette discipline. « Très tôt, il nous avait sensibilisés à une image de la Suisse qui sortait du cadre officiel. »

Au moment de choisir son cursus universitaire, ce qui intéresse la jeune fille, ce sont les sciences forensiques, bien avant la mode des séries policières. Elle bûche sa chimie pour s’y préparer. Ce sera un crève-cœur : « Quand j’ai voulu m’inscrire on m’a fait comprendre que ces études étaient réservées aux hommes gradés à l’armée. » Qu’à cela ne tienne : Brigitte Rochat se tourne vers les Lettres qui, selon la mentalité de l’époque, étaient plus accueillantes pour une jeune femme. Plus tard, elle sera engagée comme enseignante d’histoire au gymnase « Et je n’ai jamais regretté ce choix, sourit-elle. En fin de compte la vie m’a joué un bon tour. »

Ce qui la motive, c’est la transmission du savoir aux jeunes générations et la vérité historique liée au devoir de mémoire. « Jeune, je n’ai pas eu la chance d’étudier les sujets que j’enseigne. » Elle cultive la sensibilité de ses élèves en leur parlant du colonialisme, de la période nazie ou du massacre des Amérindiens. Outre Simone Veil, son modèle, un personnage en particulier l’a marquée. Il s’agit de l’ambassadeur suisse Carl Lutz qui, à Budapest pendant la Guerre a sauvé 60 000 Juifs en leur fournissant de faux papiers. « Ce qui m’a touchée, c’est qu’à son retour en Suisse, au lieu d’être remercié comme il se devait, il a été oublié et laissé pour compte, raconte-t-elle. J’ai eu la chance de rencontrer sa belle-fille, une Juive hongroise qu’il avait sauvée, et qui a voué sa vie à faire reconnaître l’action de son beau-père. » Dans ses cours, elle utilise la peinture ou la musique. Aujourd’hui, ses classes travaillent sur des chansons liées à l’Histoire comme la Marseillaise, la Femme grillagée de Pierre Perret ou bloody Sunday de U2 : « Cela nous permet de travailler aussi sur les sources et de sensibiliser mes élèves aux précautions à prendre. »

Digne fille de la Vallée, Brigitte est passionnée de montres et d’horloges. Son temps libre, elle le consacre à son jardin et aux autres. Durant des années, elle aide les élèves du Gymnase en difficultés financières dans le cadre de l’Association Liber et Labor. « Certains étudiants n’ont même pas de quoi s’offrir un repas chaud à midi ou un livre. » Aujourd’hui, elle œuvre comme secrétaire au sein de l’Association de la Famille Rochat et siège au Comité de l’Association de l’Habitation féminine qui fournit des logements sûrs à des femmes en difficultés. « Certaines n’ont plus personne. On ne se rend même pas compte du nombre de gens qui vivent pauvrement. » Une existence marquée par l’engagement auprès des autres, et pour les valeurs en lesquelles elle croit : la vérité, la compassion et l’ouverture d’esprit.